Le partie qui n’en finissait plus de finir

Le mardi 5 juillet, Québec est en visite pour une partie en soirée à Trois-Rivières, sous les lumières du nouveau stade. Lorsque ce match débute, les joueurs et spectateurs ne se doutent pas que le match qui débute deviendra le plus long dans les annales québécoises.

Il faut dire qu’en 1938, les circonstances se prêtent beaucoup mieux à des matchs qui s’étirent en longueur. Avant l’apparition des lumières électriques dans les stades québécois, le pire ennemi des longues parties était le soleil. La plupart des matchs débutait vers les 18h, laissant juste assez de temps pour jouer 9 ou 10 manches avant que le soleil ne se couche. Les matchs en après-midi le dimanche auraient pu permettre de jouer beaucoup plus longtemps, mais dans la ligue Provinciale, la coutume était de jouer un programme double, avec déplacement entre les 2 matchs. Si le premier match s’éternise, on le suspend pour permettre aux équipes de se déplacer. Les matchs suspendus n’avaient pas l’habitude d’être repris, donc les longs matchs n’étaient pas coutume dans la Ligue Provinciale.

Tout change en 1938. Le record de 16 manches, établi plus tôt en saison, allait tomber en cette journée de 1938. Comme c’est alors l’habitude pour les parties sous la lumière artificielle, on débute le match après le coucher du soleil, à 9 heures 30.

Le duel de lanceurs oppose Phil Moonves pour Québec et Cliff Choquette pour Trois-Rivières. Les locaux s’inscrivent au pointage en premier, alors que Joe Krakowski débute la 2e manche avec un circuit. Les lanceurs sont toutefois intraitables, si bien que le score est toujours de 1-0 en 9e manche, alors que Québec en est à sa dernière chance. Après un retrait, Walter Dobie frappe un double. Il a fort probablement avancé au 3e but presque tout de suite (but volé, mauvais lancer, balle passée?) car il vient marquer sur le roulant du frappeur suivant, Roland Gladu.

On s’en va donc en manches supplémentaires. En 10e manche, Choquette faiblit. Il donne un but sur balles au receveur Tony Erico. Celui avance au 2e but sur l’amorti de Robert Daoust. Le lanceur Moonves aide ensuite sa cause avec un simple (pas de frappeur suppléant!), mais Erico arrêt sa course au 3e but. Un but sur balles à George Demko remplit ensuite les coussins. Joe Petrella suit avec un simple: Erico marque, mais Moonves reste au 3e but. Mike Shimko frappe ensuite un roulant au lanceur qui obtient le retrait au marbre. John Massic est ensuite retiré au bâton pour mettre fin à la manche. C’est 2-1 Québec.

En fin de 10e manche, Moonves tente de mettre fin au match. Il a 2 retraits et un coureur au premier but, mais Gaston Trudel claque un double d’un point qui ramène les 2 équipes à la case départ. Trudel avance au 3e but sur une erreur sur le jeu, et Gene Sullivan soutire un but sur balles, Mais, Dick Conley frappe une flèche au premier but qui est captée pour le troisième retrait.

En 11e manche, Choquette est remplacé par Dick Steinberg. Choquette aura donné 2 points en 10 manches, retirant 9 frappeurs sur des prises.

En 12e manche, c’est au tour de Moonves d’être sorti du match, mais dans des circonstances plus difficiles. Le premier frappeur de Trois-Rivières se rend sur les sentiers grâce à l’erreur du joueur de 2e but Joe Petrella. Steinberg le pousse au 2e but avec un amorti, et ensuite un but sur balles et un frappeur atteint remplissent les buts. C’est à ce moment qu’on retire Mooves à la faveur de Joe Garbarino. Celui-ci retire Gene Sullivan sur des prises, avant qu’encore une fois Dick Conley frappe une flèche au 1er but qui met fin à la manche. Moonves aura lancé 11 manches et 2 tiers, donnant 2 points sur 9 coups sûrs.

Steinberg et Garbarino sont ensuite dominants et les chances de marquer se font rares. Trois-Rivières a les meilleures chances en plaçant 2 coureurs sur les sentiers en 15e et 16e manches, mais le gros coup sûr ne vient pas. Québec vit la même chose au début de la 18e manche.

On atteint le seuil rarement atteint de la 20e manche. Et dans la plus pure tradition de la Ligue Provinciale, la conclusion de ce match sera on ne peut plus chaotique.

Après un retrait, Roland Gladu frappe un simple et est remplacé par le coureur suppléant Raymond Béliveau. Chris Pickering suit avec un double qui pousse Béliveau au marbre, c’est 3-2 pour Québec. Steinberg, qui a craqué pour une première fois à sa 10e manche de travail, se reprend en main et met fin à la manche. Trois-Rivières s’amène au bâton en fin de 20e manche.

Joe Garbarino obtient un retrait au bâton pour débuter la manche, mais Ted Duay suit avec un simple. Dick Crowley frappe ensuite un roulant à Garbarino, qui remet tout croche au premier but. La balle roule le long de la ligne du champ gauche. C’est ici que les problèmes débutent. À partir de la 10e manche, on a toléré la présence de spectateurs le long des lignes aux champs gauche et droit. Le mauvais relais de Garbarino se retrouve donc au milieu d’une foule hostile, où elle est bien sûr touchée par quelques spectateurs. Duay prend ses jambes à son cou et vient marquer du 1er but. Les joueurs de Québec protestent bien sûr et une confrontation avec les arbitres et la foule s’en suit. Les forces policières en présence sont insuffisantes et, selon l’Action Catholique, 400 spectateurs entrent sur le terrain. On parle de coups de chaise et de blessures mineures, notamment à la jambe de Robert Daoust, des A’s.

Roland Gladu est au centre de l’action. Selon une des versions, il est dans une colère si violente que 3 policiers doivent le maitriser et l’escorter hors du stade. Selon une autre version, il est la cible des spectateurs et les policiers n’ont d’autre choix que de l’expulser pour ramener un semblant d’ordre dans le match.

Au final, on ne change pas l’issue du jeu, et le point marque, tandis que Crowley est au 3e but. Garbarino se ressaisit et obtient un retrait au bâton, son 10e du match, pour le 2e retrait de la manche. John Quinn s’amène au bâton et frappe un simple qui met un terme au match, donnant à Trois-Rivières une victoire de 4-3.

Québec allait déposer un protêt, semble-t-il infructueux.

Garberino termine sa soirée en ayant donné 2 points non mérités en 8 manches et un tiers. Steinberg, qui est crédité de la victoire, a lancé 10 manches ne donnant que 6 coups sûrs et un point.

Chaque équipe aura frappé 15 coups sûrs dans le match, dont voici le sommaire.

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La match aura duré 4 heures 45 minutes, se terminant vers 2 heures 15 du matin.

Quelques comparaisons avec les records des ligues majeures

Le plus long match (en manches) : 26 manches, pour un match Dodgers-Braves, en 1920.

Le plus long match (en temps): un match White Sox-Brewers en 1984 dura 8 heures 6 minutes, sur 25 manches.

En 2006, les Yankees et les Red Sox prient 4 heures 45 minutes pour conclure leur match de 9 manches…

Le match Trois-Rivières-Québec n’a pris, en moyenne, qu’un peu plus de 7 minutes par demi-manche, même en incluant la cohue de la 20e manche…

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